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taient avidement le dernier souffle de ta sénilité ; l’humanité haletante se penche anxieuse sur la république épuisée pour surprendre dans son sein un regain de vitalité, une nouvelle poussée d’héroïsme.

Et, quand la plaine désolée aura bu la dernière goutte du sang des boers, l’univers recueilli défilera devant leur humble tombeau. Ils arriveront de toutes les parties du globe baiser la terre sanctifiée, fécondée par le sang des héros. Il s’y fera des miracles ! Des malades se relèveront guéris de l’indifférentisme fatal du siècle ! Transfigurés, enthousiastes, la voix de ces nouveaux apôtres aura des accents convaincus pour soulever les masses et conduire les peuples à l’indépendance.

La Reine se débattait dans les affres de l’agonie, et son râle couvrait les paroles de l’absolution suprême que son oreille ne percevait plus. Les princesses royales, la tête cachée dans la bordure du lit d’apparat, pleuraient silencieusement. Les courtisans, selon les strictes lois de l’étiquette, avaient interrompu leurs chuchotements hypocrites ; les rois, la cour cérémonieuse, en grande tenue, regardaient mourir la vieille souveraine. Soudain, la mort accorde un sursis. L’agonisante ouvre des yeux démesurés, éclairés déjà par un reflet de l’au-delà… La vérité pour la première fois peut-être lui apparaît et, la pupille dilatée, elle contemple effrayée et ravie cette lumineuse vision ! — Pourquoi Dieu refuserait-il aux rois ce qu’il accorde au plus humble mortel, à l’heure dernière… un coup d’œil embrassant l’inconnu ? Alors que l’âme, presque dégagée des pesantes molécules de la matière, plonge dans le monde éthéré et voit la pensée divine dépouillée de ses voiles… Comme l’oiseau qu’un fil retient captif, l’être plane déjà dans l’air libre, encore un der-