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Hélas, oui, il a compris, il s’enfuit, pour ne pas étrangler le fourbe, le tortionnaire qui s’amuse à retourner le fer dans la plaie et se délecte des grimaces de sa victime. Si le malheureux jeune homme a une âme fortement trempée et de puissantes convictions morales, il acceptera la vie en philosophe, défiera l’opinion publique, portera haut le front comme un vaillant et un fort. Il se consolera de ses déceptions de fortune et d’amour, de ses désillusions, par le bonheur de faire le bien. Ses bras que dans un immense besoin d’étreindre et d’aimer il avait ouverts tout grands ne se refermeront pas. Ils accueilleront les pauvres, les malheureux devenus ses enfants et son unique préoccupation !

Ou bien, comme un certain ermite, il ira s’ensevelir dans le mystère des bois, dans la solitude des montagnes. Penché sur de vieux bouquins, il cherchera dans la science l’oubli des chagrins de sa vie et de l’injuste haine de ses frères. Bercé sur les genoux de notre bonne mère nature, la tête appuyée sur son cœur, dont il sent et comprend chaque pulsation, il s’endormira apaisé.

Mais, si le rebuté est un faible, un névrosé, un pâle enfant du siècle, dont les veines ne portent au cœur qu’un sang pauvre et décoloré, s’il est incapable d’action, mais avide de jouissance, pauvre roseau agité par tous les vents contraires, désespéré de ses vaines tentatives, trop fier pour ronger l’os qu’on lui jette au loin comme à un chien enragé, pâlissant sous l’œil du soupçon et du doute toujours ouvert sur lui et scrutant ses pensées, il arrivera qu’un jour toutes ses facultés de résistance se trouvant anéanties, il s’abandonnera à la dérive. Le flot du vice l’enroulera dans son onde noirâtre pour le jeter au gouffre.

Et, l’on conclura pédagogiquement : Résultat de l’atavisme, voleur, fils de voleur. Bon chien tient de race !