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devant tout ce qui est beau, noble, généreux et grand, est encore une marque de notre glorieuse origine !… Français du Canada, oiseaux tombés du nid, nous avons, sous d’autres cieux, accroché notre bercelonnette, et le cruel oiseleur nous retient captif dans ses lacets. Mais nous chantons toujours la liberté. Nous apprenons aux petits et les vilenelles d’amour, et le chant de guerre. Puisse, un jour, notre aile libre et fière fouetter les rayons de l’espace azuré !

Dieu a voulu que l’amour fût immortel. Il réserve au cœur de l’homme, vers le déclin de sa vie, de bien douces félicités. Ainsi l’on voit, aux jours d’automne, l’arbre à fleurs de cire se couvrir de bourgeons et de fleurs. L’aïeul, près du berceau de chacun de ses petits-fils, revit des souvenirs qui rajeunissent sa vieillesse. Puis, quand tout expire, quand le dernier flot de la vie va s’épancher, à cette heure suprême où l’on n’entend plus les bruits du monde, un dernier regard, le regard d’adieu embrasse deux ou trois générations qui prient et qui pleurent.

Le fils, un jour, avait laissé le toit paternel pour former une jeune pépinière. Ses soins et sa tendresse, il les avait donnés aux rejetons qui continueront sa lignée. Le nouveau foyer, chaque jour embelli, chaque jour plus aimé, devint le temple des familiales tendresses. Une nouvelle prêtresse sacrifia avec lui sur l’autel des saintes amours. Mais l’étreinte de ces nouveaux bras, le parfum plus capiteux des baisers de l’épouse, le luxe modernisé des tentures et des meubles, lui versèrent-ils l’oubli de la sainte dont les cheveux ont blanchi en l’aimant ? Celle qui sut trouver des mots exquis, des modulations berçantes pour l’endormir, en séchant ses pleurs, celle qui la première comprit ce langage inarticulé, incompris de lui-même, celle qui reçut les premiers battements de son cœur