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bleu — blanc — rouge

sants et féeriques. À travers la dentelle de givre sous le ruissellement des lumières, l’or flambe, le satin se moire de reflets, et le velours chatoie. La femme se fait plus lourde au bras de son mari, lui parle presque à l’oreille, avec des inflexions de voix qu’il ne lui connaissait pas, tandis que son œil, sautillant de désirs, s’arrête sur une robe de faille avec des appliqués en velours, constellée de jais, brillante comme un lambeau de nuit étoilée. La jeune fille tente d’entraîner son amoureux vers les boutiques de joailliers, où sur des lits de satin dorment des anneaux de fiançailles qui feraient un plus joli effet sur le satin rose de ses jolies menottes…

Le millionnaire au pauvre qui l’implore donne une pièce blanche. Tous veulent reconquérir une nouvelle innocence, afin de charmer. Comme ces marchands qui pour faire de l’œil à la chance distribuent tous les lundis cinq piastres en sous aux mendiants — « Méfiez-vous, dit le proverbe, des gens meilleurs dans un temps que dans l’autre. »

N’importe, les voyants optimistes peuvent tirer une grande leçon de cet état bienheureux de la société : quand tous veulent se comprendre et s’aimer, n’est-ce pas que la vie est belle !…

Une ère se lèvera où, tous les jours seront des jours de l’An, quand l’Amour aura pénétré tous les cœurs, quand Son règne sera universel…

Cruelle, va, tu serres contre tes flancs ton manteau d’hermine qui recèle le mystère de ce que tu apportes ; mais j’aperçois un bout de jupon rose qui dépasse, un amour de jupon, parsemé de glaïeuls et deux petits souliers vert-pomme, perchés sur leurs hauts talons cambrés en des poses coquettes, piqués de fleurettes des champs. Tu exhales un parfum de muguet et de lilas, je vois ton sourire plein de promesses à travers les giboulées.