Page:Côté - Bleu, blanc, rouge, 1903.djvu/286

Cette page a été validée par deux contributeurs.
278
bleu — blanc — rouge

cente vient mettre un sou dans le tronc et le regarde filer avec un soupir.

— Dis-donc, est-il en vie, le petit Jésus ? Qui va lui faire de la bouillie ? Pleure-t-il quand tout le monde est parti et qu’il reste seul dans la grande église ? Si la grosse bête qui souffle dessus allait le manger !…

— Tais-toi ! fait la grande sœur scandalisée, on ne parle pas devant le petit Jésus.

Une grosse bambine joufflue, en voulant se prosterner, comme les grandes demoiselles, tombe lourdement par terre. Ne sachant s’il faut rire ou pleurer, elle fait une petite moue si drôle, que tous ces lutins sages depuis tantôt cinq minutes entrent dans une gaîté folle.

Il y a quelques années, à l’église Saint-Joseph, rue Richmond, on inaugura un nouveau système d’aumônes à l’Enfant Jésus : des petits oiseaux mécaniques jouaient une série de cantiques populaires, moyennant finances. C’était le matin de Noël ; les enfants déjà se pressaient autour de la couche du nouveau-né, pour assister au lever du petit roi dont la petite face placide, au regard vague, semble sourire du naïf bonheur qu’elle donne. Un blond chérubin bouclé, deux yeux bleus sortant d’une immense capeline de lapin blanc, vient déposer une pièce de cinq sous dans une petite boîte de ferblanc près de la crèche. À l’instant, les peignes métalliques se mettent en branle les oiseaux entonnent : Nouvelle agréable. Et les petits de rire, de battre des mains, d’agiter leurs pieds, dans une folle envie de danser. « Encore ! Encore ! » Les piécettes blanches pleuvent dans le tronc et les oiseaux dociles donnent tout leur répertoire : Les anges dans nos campagnes. Ça bergers, etc.

— Moi, dit un petit homme de huit ans, au large front pensif, qui avait écouté rêveur cette musique criarde, je crois que c’est Monsieur le Curé qui est caché en-dessous ;