naissant, une jeune fille lentement défait sa toilette de faille dont le reflet mat encadre bien sa fragile beauté empreinte d’un air de lassitude. Une aigrette de brillants taquine le front creusé d’une ride… Puis de ses doigts effilés glissent des bagues dont les faibles scintillements sur le satin de la boîte à bijoux ont le pétillement d’yeux ensoleillés. Ses cheveux dont elle vient d’arracher les épingles d’une main nerveuse, déroulent leur flot sombre ; on dirait le manteau de la nuit tombant sur des montagnes de neige. Dans une déchirure du ciel, le soleil qui se lève l’enveloppe d’une caresse d’or, comme si une fée l’avait touchée. Mais ses bras, dans un appel désespéré, se tendent vers le ciel.
— Ah ! que je souffre, mon Dieu ! Toujours cette fatale comédie ; parée de fleurs et de bijoux, mon cœur agonise. L’adulation de ces valseurs, de ces hommes qui papillonnent autour de ma dot, me dégoûte de vivre. Cette robe de bal adhère à ma peau et la brûle comme une tunique de Nessus… Est-ce donc ce que j’avais rêvé ? L’amour d’un homme bon, sincère, loyal, les douces joies de l’intimité dans le sanctuaire de la famille !…
Des pas inégaux résonnent sur le pavé, comme une mesure syncopée. Oscillant des planches disjointes du trottoir au ruban blanchâtre de la rue, un homme jeune encore, élégant, bien mis, une tête pleine de fierté et d’audace, les cheveux au vent, revient chez lui après une nuit orageuse sans doute. Apercevant la tête échevelée de l’astre dans les rideaux rose de sa couche matinale, il l’interpelle : « Ris donc pas de moi, vieux soleil, c’est vrai que je suis gris, et puis après, n’ai-je pas raison de boire, si tu souffrais comme moi tu boirais la voie lactée et tous les tonneaux de la rosée du ciel pour oublier. La Terre, toujours bonne, toujours fidèle, toujours