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Je ne sais quel vent de cyclone souffle de ce temps-ci, mais tous les jours des myriades de moustaches, de favoris, d’impériales, de pinceaux, de barbiches, tombent sous le fer profane des vulgaires figaros. Vous ne semblez pas vous douter, messieurs, que votre bonheur temporel, votre bonheur spirituel, soient attachés aux quelques poils qui ornent votre menton. « Tu ne raseras point les pointes de ta barbe » dit Moïse dans le Lévitique (Chap. XIX, v. 27). Un collier de barbe, était un signe de sagesse chez les anciens. Le Père éternel, les patriarches, les législateurs grecs, étalaient des houppes majestueuses.

En France, cependant, le port de la moustache fut interdit aux juges et aux avocats. Les prêtres et les acteurs adoptèrent la même mesure, pour s’empêcher, sans doute, de rire dans leurs barbes des travers de la pauvre humanité. Le juge Mondelet, enjoignant aux disciples de Thémis de se conformer aux sages traditions du passé en faisait valoir les avantages. La pureté de la diction aide à la clarté de la pensée ; un argument mâchonné avec une moustache, ne réveille pas le juge qui sommeille sur son banc ; il fallait supprimer cette broussaille intempestive où peuvent se dissimuler la ruse, la duplicité, etc. Voilà ce que dût faire valoir le savant juge, quand un spirituel avocat, aujourd’hui magistrat, se levant, riposta ; « Votre honneur, c’est impossible. Il y aurait trop de monde laid (Mondelet). »

Monsieur Paul, souvenez-vous du temps, où votre menton n’était encore que barbouillé de confiture ou de lait chaud, l’avez-vous posé souvent cette question : Maman quand aurai-je une belle moustache comme papa ?… Vous aviez pris au sérieux la taquinerie du grand’père :