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goutte de rosée échappée à l’adieu du soleil. La déesse, vers qui monte la sérénade de l’amoureuse nature, montre un bout de son épaule au-dessus des coteaux dormants.

C’est l’heure où le laboureur revient du champ, la faulx sur l’épaule, des épis de blés encore accrochés à ses cheveux, charriant avec lui une saine odeur de foin coupé, vigoureux et beau comme le dieu Pan. Il essuie son front trempé de sueurs, heureux d’aspirer la fraîcheur de la tombée du jour, satisfait de la noble tâche accomplie. Aussi, quelle joie pure rayonne sur ses traits mâles et fiers, où brille l’indépendance de sa royauté pacifique. Son œil franc ne fuit pas le regard, et sa lèvre n’a pas le rictus de l’envieuse cupidité, ni ses tempes les précoces rides du vice. Il marche en se balançant, et chante d’une voix vibrante un vieux refrain dont l’écho traîne longtemps dans l’air. Sa chemise entr’ouverte découvre le cou bruni par le soleil. Un large chapeau de paille, rejeté en arrière de la tête, laisse en pleine lumière crépusculaire des traits sculptés dans le marbre, on dirait.

Cette voix et ces pas mettent la ferme en gaîté. Des enfants accourent à la rencontre du laboureur. Ils s’accrochent à ses genoux. Une bambine grassette et blanche veut se faire promener en « mouton. »

Dans l’encadrement de la porte paraît la reine de ce roi débonnaire. Belle comme une vierge de Raphaël, elle aussi porte en ses bras un enfant potelé ; une nimbe lumineuse auréole sa maternité rayonnante.

L’enfantelet agite ses menottes roses et balbutie un ramage incompréhensible, regarde sa mère et semble la supplier d’être son interprète. Il ouvre la bouche toute grande, dans un effort comique pour dire quelque chose.

— Ah ! Ah ! fait la mère, en riant ; tu ne sais pas ce que Bébé veut t’apprendre ? Tu vas voir. — Chéri, viens