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L’étoile prisonnière, ami cher, c’est ton âme ;
Le halo qui te suit, planant autour de toi,
C’est le souffle immortel de l’être qui fut moi,
Un reflet infini de la défunte flamme
Qui brillait en nos yeux aux soirs de nos bonheurs.
Quand nos cœurs las de battre, épuisés d’amertume,
Ainsi qu’une veilleuse où l’huile se consume,
Auront ici versé leurs dernières lueurs,
La mèche ardente encore ira s’alimenter
Aux foyers des soleils où naissent les planètes,
Les constellations, les bizarres comètes,
Que l’on voit, chaque soir, gentiment fleuretter,
Se lutiner dans l’ombre en un mutisme étrange,
Darder de longs regards sous leurs cils abaissés,
Frissonnantes d’extase aux fluidiques baisers
Qu’échangent les esprits délivrés de la fange ;
C’est un dogme sacré que l’amour infaillible
Promulgue ex-cathedra : « La vie est un éclair…
Elle luit un instant, pulvérise la chair.
Seul le trait qui jaillit au moment indicible
Où s’unissent deux cœurs, doit survivre au néant.
Aime, désire et souffre, arrache à la matière
Cette vibration, orgueil de la poussière.
Avant de retomber dans le fossé béant,
Fais flamboyer ton être, illumine la nuit…
Où tu dois remonter. Car les heures sont brèves…
L’hiver flétrit les fleurs aux pétales de rêves……
C’est un champ désolé qu’un cœur où rien ne vit. »

Colombine