Page:Côté - Bleu, blanc, rouge, 1903.djvu/142

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Aussi, dès l’aurore ils sont sur pieds, leurs regards anxieux interrogent avec une muette prière le ciel incertain :

« Maman il va faire beau ? Quand même le soleil ne paraîtra pas, s’il y a du bleu, nous irons, dis ? »

Tout à coup, l’astre déchire un grand morceau de brume et se montre souriant. Les enfants battent des mains et trépignent de plaisir. La mère est impuissante à calmer cette excitation ; il faut les attraper au vol, ces lutins pour leur débarbouiller le nez et peigner leur chevelure rebelle. Bébé, effrayé de ce tapage, pousse des cris de paon, se raidit, se pâme, tandis que l’on se hâte à sa toilette. Le père s’arrête terrifié, soupèse le panier à provisions, qui s’arrondit toujours, prenant des proportions alarmantes de fourgon à victuailles.

— Rajoute encore un pain ! — Oh ! les couteaux, le sel que j’allais oublier, fait la mère.

— Mais on va nous prendre pour le quatrième contingent d’Afrique !

— D’abord, on n’en a jamais assez : le grand air creuse l’estomac !

— Enfin, le bataillon empesé est sous les armes et la caravane se met en route. Le chef de famille bat la marche, avec son précieux fardeau. Le gentil Toto, tout fier d’être convié, fait des bonds prodigieux et se roule dans l’herbe. Bébé est épanoui depuis qu’on lui a mis son bonnet sur la tête. Il comprend qu’on va faire prom prom ! Et les bambins ont déjà de gros bouquets de ces fleurs qui balancent leurs urnes d’or le long des trottoirs. Ce bonheur de tous les êtres chers à son cœur se reflète sur le front de la mère et la rend radieuse et belle.