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pierres jonchent le sol, les bastions tombent en ruine, les meurtrières, dont les prunelles lançaient du feu, se sont éteintes, leurs orbites sont des trous noirs et livides, que n’allumera plus la flamme mortelle, car cette triste forteresse a été touchée par la baguette de la fée. La mort blême est vaincue par la nature jeune et belle. La verdure envahit la sinistre mitrailleuse, qui cracha des projectiles meurtriers sur les soldats français, nos pères. Les corbeaux restent les seuls défenseurs de la belle cité ; les moineaux font leurs nids dans les canons anglais. Si quelques soldats rouges viennent piétiner les marguerites et jouer à la guerre dans ce séjour enchanteur, ils ne font plus peur aux oiseaux. Un merle, quel effronté, se perche sur une branche et vient leur siffler sous le nez !…

Mais, la cloche de la fée nous avertit que son bateau comme un cygne blanc frissonne et bat des ailes avec impatience et qu’il nous attend pour nous transporter de l’autre côté de la rive. Le soleil se couche derrière le Mont-Royal et jette des reflets d’incendie sur la ville. Des gerbes de lumière brodent de franges d’or le sommet de la montagne et sur le fleuve pailleté, tombe un mirage de rubis, de corail, d’améthyste, teintes divines qui désespèrent le pinceau de l’artiste et la plume de l’écrivain.