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le forgeron de thalheim

Le vin coulait largement, car Joseph Teppen aimait qu’en tout on fît bien les choses. Il y allait sincèrement, encourageant de la voix, du geste et de l’exemple. Les invités ne demandaient pas mieux qu’à imiter le patron. Et on mangeait, et on buvait, mais on causait aussi, comme l’on aime à parler quand les plats sont excellents, la nappe blanche, les services superbes et les convives simples et aimables.

Peu à peu Robert, sous le doux regard de Suzanne, perdait cette timidité native qui l’embarrassait toujours auprès de la jeune fille. Il lui rappela les souvenirs de leur jeunesse, alors que, gamin de treize à quatorze ans, il revenait de l’école du village, la petite Suzanne en sa compagnie, ayant sous le bras un abécédaire qui la faisait pleurer. Parfois Georgette était aussi avec eux. Ils allongeaient le chemin, traînaient la jambe, et lui, le plus fort, les taquinait souvent. Puis, d’autres joies, d’autres peines avaient suivi : à sa dix-huitième année, il partait déjà pour se perfectionner dans son état, restait vingt mois absent, et rentrait enfin pour tirer un mauvais numéro à la conscription. Il était joyeux quand même. Soldat ! Devenir soldat ! Et