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tout cela encore, comme si ces choses étaient d’hier. Oui, là, dans cette auberge…

Elle eut un nouvel accès de faiblesse. Cependant, ayant réagi de toute sa volonté contre son extrême lassitude, elle continua de parler. Sa voix passait maintenant comme un souffle entre ses lèvres décolorées : c’était le dernier effort d’une nature d’élite que le chagrin avait usée avant l’âge.

— Oui, mon cher Maurice, je m’en vais… Dans quelques heures, moins de temps peut-être, je ne serai plus là… Tu vas donc rester seul, avec très peu d’expérience, sans lendemain assuré… Ah ! que c’est douloureux, pour une mère, de se séparer de son unique enfant ! Mais je me sens un peu consolée, à la pensée que tu aimes le travail, que tu es bon et que tu marcheras dans la voie de l’honneur… Vois-tu, ces biens-là sont toujours les meilleurs… Je sais qu’il faut avoir une certaine grandeur d’âme pour s’en contenter… Mais ces vertus ont été, depuis des siècles, l’apanage de notre famille ; tu les conserveras pieusement pour les transmettre… à tes enfants… Car, un jour, tu auras aussi des enfants, si Dieu le veut. Je le prierai, là-haut, de mettre devant tes pas la compagne ado-