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jouaient la destinée des peuples et celle des individus. La contrée que Jeanne de Laroche habitait, subissant le sort de l’ancien Evêché de Bâle, avait été rattachée à la France. Peu de temps après leur arrivée dans les Franches-Montagnes, Pierre mourait ; la comtesse voyait ses économies diminuer ; leurs dernières ressources s’évanouirent et, pour ne pas mourir de faim, elle dut se vouer à un travail rémunérateur. La jeune femme connaissait l’art de broder ; elle l’enseigna à Françoise. Grâce à leur activité, elles réussirent à gagner leur pain tant bien que mal, de sorte que leur existences écoula tranquille, presque exempte de soucis, hormis celui que leur causait l’avenir du petit Maurice, qui poussait comme une belle plante au grand air libre de la montagne, la joie et l’orgueil de sa mère.

Maintenant, l’heure du départ, de l’éternel sommeil a sonné pour la pauvre comtesse. Depuis deux ans déjà, minée par une cruelle maladie de langueur, conséquence inévitable de toutes les souffrances morales que le destin lui a envoyées, elle sent que le moment suprême approche. Et ce qui augmente encore la tristesse de la séparation, c’est qu’elle