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tait-il juré de le châtier, cet assassin inconnu, d’exercer une implacable vengeance ! Et voilà qu’à cette heure tout le monde lui criait d’avoir compassion ! On ne peut pas leur pardonner, à ceux qui, froidement, pour un vil métal, la soif de l’or, tuent leurs semblables. Allons, la loi du talion : Œil pour œil, dent pour dent ! Là, à côté, le Doubs ne décolère plus : il demande des victimes, il veut rouler des cadavres dans ses eaux boueuses et tourbillonnantes. Les flots écument, grimpent les uns sur les autres, menacent de tout engloutir, et les hommes et les choses de la création.

— Pitié ! redit Yvonnette. Pitié, Maurice !

La jeune fille a rompu le cercle que formaient les contrebandiers autour de leur chef. Elle s’est rapprochée de son ami. Mettant ensuite dans l’accent de sa voix tout son cœur, tout son chaste amour de vierge, elle murmure de nouveau :

— Pitié pour eux, Maurice, et Dieu nous rendra heureux !

Et Maurice parut se réveiller d’un long cauchemar affreux. Il regarda celle qu’il aimait, lut dans son regard la prière suprême du pardon. Alors, d’un mouvement, il se secoua comme pour chasser tous les fantômes