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crois que mon père ait eu le plus petit prétexte, la moindre raison de vous abandonner et de… m’abandonner aussi… Il se passe quelquefois, même dans les familles qui paraissent le plus unies, des choses que je suis en âge d’ouïr. Dis-moi donc tout, sans aucune réticence. Je ne mets absolument pas en doute les paroles de ma mère, elle parlait selon la vérité, du moins telle qu’elle pouvait la connaître. Néanmoins, je veux être convaincu qu’il n’existait entre eux aucune cause de brouille. Il ne me serait jamais venu à l’idée de demander une pareille confidence à celle qui n’est plus. Mais, avec toi, j’ose bien le faire.

— Je te comprends, monsieur Maurice, mais tu dois éloigner tout soupçon. Ton père, M. le comte, aimait passionnément Mme la comtesse. Tes parents n’ont pas vécu longtemps ensemble. Il y avait à peine un mois qu’ils étaient mariés lorsque la Révolution éclata. C’est par l’ordre du comte de Laroche que nous sommes venus dans ce pays, pour être à l’abri des violences du peuple. Ton père, il est vrai, était très sévère. Son frère cadet, mort dans un duel, l’avait ruiné à moitié. Il en voulait surtout aux braconniers,