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l’aubergiste, s’était même offert à venir à notre rencontre. Mais je l’en ai remercié. Son visage ne me dit rien de bon. Pourtant, je le crois honnête. D’ailleurs, soyez sans inquiétude, puisque je suis là. Quand nous aurons pris un peu de nourriture et quelque repos, nous continuerons notre route. La montée, devant nous, est très pénible. Il faudra vous armer de courage, madame la comtesse.

— J’en aurai.

Ils étaient sortis de la barque pendant qu’ils échangeaient ces paroles.

— Le sentier suit le Doubs, reprit le domestique, déjà tout ragaillardi. En quelques pas nous sommes à la porte du cabaret. Donnez-moi l’enfant, madame.

— Non, Pierre. Je suis forte. Va le premier, tu nous montreras le chemin.

Le bruissement du flot empêchait de saisir les autres bruits de la nuit. Des oiseaux, à tire d’aile, traversaient d’une rive à l’autre. Et toujours, par le même mouvement monotone, l’eau battait les pierres du bord, qui reluisaient le jour, au soleil, comme polies par un merveilleux artiste. Des arbres projetaient au pied des rochers une ombre encore plus épaisse. La solitude se faisait noire,