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cendant Cendant sur le Doubs, quelques chasseurs seulement, et à de rares intervalles. La mère était souvent indisposée, ou, sous l’empire de sa passion, incapable d’aucun travail sérieux. De sorte que, sans Yvonnette, les deux hommes à leur retour eussent la plupart du temps trouvé le foyer éteint.

Elle ne sortait pas. Par les chemins qu’il faisait, les jours courts et les nuits tombant de bonne heure, il n’était pas prudent de s’éloigner. Elle se plaisait d’ailleurs dans sa chambrette, ou aux alentours de l’auberge, le grondement de la rivière berçant ses pensées. Et elle avait beaucoup de pensées depuis qu’elle connaissait son grand ami, son cher Maurice. Elle était en esprit sans cesse auprès de lui. Si elle avait eu, à ses côtés, une personne de confiance, elle aurait parlé de son amour, de ses rêves d’avenir. La mère n’en savait pas le premier mot. Un jour, à une question d’Ali, qui lui demandait si elle ne regrettait pas les contrebandiers, elle avait prononcé le nom de Maurice. Mais, aussitôt, son frère s’en était allé et elle, Yvonnette, n’avait plus abordé ce sujet. Cet isolement, voilà ce qui la faisait souffrir. Elle se consolait toutefois et reprenait courage, en se rap-