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tacha prestement l’embarcation et, jouant des rames, il s’éloigna du bord.

Un peu en dessous, à une vingtaine de brasses, on entendait un bruit continu, très fort, qui jetait comme une épouvante dans l’âme de nos voyageurs. C’était une chute du Doubs, comme une sorte de rapide, entre deux hautes parois de roches, la porte d’un lac Averne conduisant dans les ondes d’un Styx tumultueux.

Mais les trois personnes qui se trouvaient dans la barque ne songeaient pas à la mythologie ; elles en ignoraient à coup sûr même le premier mot. Ce à quoi Pierre pensait, n’était au salut de sa maîtresse, au suprême désir d’atteindre, sans accident, cette rive •suisse qu’il devinait, plutôt qu’il ne la voyait devant lui. Et il ramait de toutes ses forces, inhabile à ce métier, luttant contre le courant, et il eut enfin la joie de sentir l’embarcation toucher le sable du bord.

— Nous y voilà ! s’écria-t-il.

— Une lumière, fit la jeune femme.

— Eh bien, oui ! C’est l’auberge, expliqua le vieux serviteur. Un peu plus haut nous apercevrions le moulin, si l’obscurité n’était pas si grande. On nous attend. Jean Gaudat,