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cet automne. Si cela continue, nous pourrons passer l’hiver qui vient sans trop de soucis. Tu sais, il n’est pas impossible de deviner pourquoi tu ne le vois pas avec plaisir. Il en tient pour Yvonnette, du moins tu te l’imagines. Eh ! eh ! elle n’est pas du tout mal, la fillette ! Mais, ce que j’apprends là !

La vieille Catherine, après avoir déposé une bouteille d’eau-de-vie sur la table, avait rempli trois verres jusqu’au bord. Chaque fois que son mari revenait d’une tournée, elle cherchait à profiter de ses bonnes dispositions. Et, alors, reprise par sa passion, elle restait là, à écouter ses hommes, ayant l’air de penser à des choses anciennes, invariablement les mêmes, qui semblaient hypnotiser les débris de ses facultés mentales. Seulement, lorsqu’un mot frappait son esprit, elle relevait la tête et se mêlait à la conversation.

— Oui, elle est jolie, Yvonnette, fit Catherine en répétant les paroles de son mari. Bien jolie ! Sans nous, elle serait peut-être aussi heureuse que belle. Dieu nous punira. Je le sens, cela est certain. Que de crimes !

— Vieille radoteuse, veux-tu te taire ? cria l’aubergiste. Je te l’ai déjà dit cent fois, prends garde, prends garde à ta langue ! C’est évident