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pour elle. Prenant son sort avec cette passivité qui était le fond de son tempérament, elle avait renoncé à tout. Le ressort moral était brisé. Elle avait alors roulé le long du chemin de la vie, peinant et s’usant, et n’ayant plus qu’un besoin dans son être, s’étourdir, oublier. Les affaires de son mari ne l’intéressaient point. Non, pas même son fils, et pas davantage Yvonnette ne pouvaient la ramener à des idées plus saines. Elle bavardait, comme elle l’avait dit à Maurice, mais c’était aussi pour éloigner les revenants qui la hantaient, pour étouffer le cri de sa conscience qui lui reprochait le forfait accompli. Existence misérable que se prépare l’homme en glissant volontairement sur la pente du mal.

Et le vent hurlait toujours entre les deux parois de rochers, mêlant sa voix à la voix du Doubs, celle-ci invariablement puissante au fond de la vallée.


Tout à coup, la vieille Catherine entend s’ouvrir la porte de la cuisine. Elle se lève avec peine, s’avance en trébuchant et finit par reconnaître ses hommes, comme elle désigne le père et le fils.

— Quel chien de temps ! s’écria Jean Gau-