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vivre sa vérité 1912–1914

sans la moindre contrainte de leur part, par l’atmosphère très chère seulement, encore plus de peine à être indépendant, à aller où je devais aller.

eeiL’église « orthodoxe » est semblable à une société scientifique qui dirait aux savants, ses membres : « Je suis ici pour vous donner la vérité acquise (chacun de vous est combien insignifiant comparé à la vaste masse d’expériences que je représente, que j’ai dans mes cartons !) et je ne vous demande en rien un courant inverse, ni de m’envoyer le résultat de vos petites expériences personnelles. Quel orgueil de croire qu’elles puissent avoir une valeur quelconque comparées à ma masse ! »

Avec cette différence très grave : que les choses religieuses sont bien plus importantes que les choses scientifiques.

Une société scientifique procédant ainsi, semblerait, au premier abord, ne pas diminuer beaucoup sa puissance. Elle tarirait un petit filet d’eau, sans diminuer le gros flot de science acquise ; mais sa vie serait tuée dans son essence. Si on avait procédé ainsi dès le commencement, elle n’aurait tout bonnement pas pu naître ; en procédant ainsi, elle tarit peu à peu la source du sang nouveau qui seul empêche la pourriture.

Les hommes vivants disent : l’Éternel se révèle et se révélera dans une infinité de sources dispersées dans l’espace et le temps. Vouloir fermer la porte à ce fleuve, c’est prétendre s’en tenir au fini, au lieu de laisser entrer l’infini… C’est choisir la mort au lieu de la vie.

eeiToute cette moralité voulue est atroce. Vous n’avez pas le droit d’être moral, si ce n’est votre joie, votre plus haute forme artistique. Lutter pour une vie haute exactement comme le poète lutte pour faire un beau vers, dans le même esprit, pour l’amour de la chose même.