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vivre sa vérité 1912–1914

Croyez-vous que moi, Suisse français, qui dois tout ce que j’ai appris de beau et de précieux dans ma langue à ce grand peuple désordonné mais si merveilleusement doué, si humain, qu’on ne peut pas s’empêcher d’aimer, croyez-vous que je vais les laisser mourir sans bouger ? et vous, Suisses allemands, verrez-vous en souriant qu’on démolisse et bâillonne l’Allemagne ?

Impossible… En présence d’une pareille guerre, nous cessons immédiatement, pour des raisons profondes et les plus respectables, d’être Suisses. Il n’y aura plus de Suisse à ce moment. La Suisse ne restera, profondément, que si la paix se maintient à tout prix. Ce n’est pas : pour la paix sacrifier la Suisse, mais : par la paix, saisir la dernière chance de sauver la Suisse, notre union, notre fraternité.

Nous voulons bien être germanisés, mais que ce soit par leur intelligence, leur vérité supérieure, non par le sort des batailles.

La paix à tout prix : il n’y a que nous aujourd’hui, que nous en Europe, dans le monde, qui puissions parler ainsi sans lâcheté, sans renoncement : pas de haine à venger, pas de conquêtes à défendre, pas de vieille querelle envenimée contre personne, et la réputation de n’être pas des lâches.

On proposera dans quelque temps une initiative supprimant toutes les armes de l’armée fédérale, excepté le génie ; tous les Suisses y feront leur service et les autres armes seront supprimées jusqu’à ce qu’une cour d’arbitrage européenne nous demande de fournir notre part dans la force nécessaire à faire exécuter ses décisions.

Si l’expérience d’une nation employant ses forces à faire des travaux puissants, au lieu du pas de l’oie, peut durer quelques mois, elle conquerra le monde par une conquête éternelle.

eeiNous avons une loi contre l’abattage des bœufs à la mode juive ; nous pourrions en avoir une contre celui des hommes à la mode chrétienne.