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pierre cérésole

Toutes les nations de l’Europe sont armées jusqu’aux dents maintenant. Un craquement n’importe où, et voilà toutes ces nations qui vont tomber les unes sur les autres dans un bain de sang qu’il faudra bien, bien longtemps pour réparer.

Et pendant ce temps, nous Suisses, nous répétons avec un air satisfait notre dogme : « Armons-nous à la frontière pour protéger notre terre ».

Ainsi, nous manquerons l’essentiel ; nous oublions complètement notre mission, la seule raison qui justifie l’existence de la Suisse.

La Suisse, c’est l’harmonie réalisée entre des gens, ennemis héréditaires. La Suisse, c’est le commencement du miracle.

Nous l’oublions, et si ça continue on s’apercevra que l’existence de la Suisse ne rime à rien, et elle disparaîtra comme il faut, sûrement : fromages, montres, machines, ça ne fait pas une nation.

Maintenant, nous suivons le mouvement au lieu de le diriger à notre façon. Ils arment, nous armons : c’est une erreur. Comme Winkelried a risqué sa vie pour les Confédérés, c’est la Suisse maintenant qui doit risquer son indépendance, et s’il faut, la donner, pour que la sombre folie qui sévit toujours, cesse de ruiner les peuples. Personne n’a dit que Winkelried était fou ; nous ne le serons pas davantage en l’imitant.

Cette indépendance, dans les conditions actuelles, qu’est-ce que vous voulez que nous en fassions ? Elle est amère et sans joie quand on voit qu’elle va aboutir à l’abîme.

La vie d’une nation qui se maintient dans l’égoïsme n’est pas plus intéressante que la vie d’un homme.

Si une guerre commence dans quelques mois entre les Français et les Allemands, ce sera une guerre d’extermination. Chacun sent que cela ne peut pas continuer ainsi indéfiniment ; dans le style actuel, l’un doit être saigné pour que ça finisse, quand même ce serait la fin de tout.