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vivre sa vérité 1909–1912

ou encore que chacun aille suivant la ligne maxima qu’il trouve en lui, avec naturel.

Si votre conscience ne vous reproche rien quand vous faites des choses « basses », — bien, bien : ça signifie que vous êtes à votre niveau et à votre place en faisant ces choses basses ; faites-les.

Je m’attriste par moment parce que telle personne n’a pas l’idéal qui est le mien ; mais, imbécile, cet idéal particulier qu’elle n’a pas, c’est un idéal relatif à toi-même.

La poutre qui supporte le plancher du salon s’affligera-t-elle de la flexibilité de la tige des fleurs qui en font l’ornement ?

Ce que l’on peut demander à tous, c’est la religion, la largeur d’esprit, le sens qu’ils appartiennent à un tout qui les dépasse et qu’ils doivent servir.

Vouloir concilier en soi-même l’idéal de plusieurs parties différentes, c’est vouloir être fleur et racine en même temps, et cela est impossible.

On peut aspirer au rôle puissant, plus universel, d’être sève qui circule, qui passe par la racine, puis dans la fleur, puis s’en va ; mais cette sève change tout le temps ; il ne faut pas qu’elle devienne quelque chose de stable, une institution. Son rôle est toujours de charrier les produits à transporter.

Cette vue me paraît apaisante, elle fait comprendre les tendances différentes, les réunit dans une unité supérieure, et fait cesser l’affliction.

Le seul vrai crime en toute position, c’est l’égoïsme ; mais autrement, suivre son instinct — le vrai instinct, pas seulement l’instinct brutal — c’est la seule loi infiniment variée, qui, à chacun, dictera une conduite différente mais utile à l’ensemble.

En fait, nos instincts ne sont pas les mêmes, ils sont au contraire infiniment différents. Suivez l’instinct, car l’instinct vrai vous demandera éventuellement de grands efforts ; voyez le chasseur qui court après le chamois ; le mathématicien après la solution…