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vivre sa vérité

Dans ce même milieu, avec plus de netteté qu’auparavant, il se rend compte de l’injustice sociale et commence à en ressentir, dans son cœur, le douloureux écho ; là aussi il a la première velléité de se débarrasser de son argent : chargé de donner des leçons de mathématiques à l’un des membres de l’ancienne famille royale dont le chef était le roi Kalakaua, il reçut de ce dernier une somme équivalant à une petite fortune. Ce n’était pas dans son programme, et il s’en défit en faveur d’une œuvre du pays. On trouve l’écho de ce geste dans deux petites notes de son journal : « Ces soixante-quinze mille francs que je donne — juste un petit grain de poussière comparé à ce que ces gens possèdent… — Un grain de poussière peut, à la rigueur, rompre l’équilibre et faire basculer les masses. » Et plus loin : « Je suis débarrassé de ces quinze mille dollars. »

1909.

eeiLe grand pouvoir est celui de l’esprit. Où est l’idéal ? Je ne sais, jugez-en vous-même, cherchez, allez au plus noble, — pas nécessairement le plus difficile.
eeiLes idées morales forment l’échafaudage qui soutient la vie ; l’échafaudage est horriblement compliqué ; il y a une grande quantité de pièces inutiles sans doute, et d’autant plus que la construction se développe. Ce qui était nécessaire ne l’est plus ; de nouveaux soutiens, en revanche, deviennent indispensables.

Il ne faut toucher à cet échafaudage qu’avec la plus grande circonspection. Il y a des gens qui devancent leur temps, et voient que telle règle jugée fondamentale n’est plus qu’un empêchement ; mais d’autres sont des ignares qui ne discernent pas l’importance de ce qu’ils enlèvent.

Enlevez les pièces avec une extrême prudence, par voie d’essai. Il faut des tempéraments révolutionnaires pour que de vieux échafaudages ne gênent pas les travailleurs ; il faut des conservateurs, pour que tout ne s’écroule pas d’un coup.