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mes questions. Nous évitons d’exercer une pression quelconque. Quelques villages répondent : « Nous voulons attendre un an encore et voir ce qui arrivera ». Le malheur est que dans un an les fonds pour réparation des suites du tremblement de terre qui sont à la disposition du gouvernement et du B. C. R. C. seront liquidés. On ne peut pas facilement faire durer indéfiniment une action de secours de ce genre. Nous n’osons peser sur cette remarque importante de peur de provoquer artificiellement une décision affirmative dans un cas où elle ne s’impose pas.

La même scène se répète vingt fois avec quelques variantes. Je me rappelle spécialement la réunion dans l’échoppe — un abri couvert de chaume — d’un pauvre vieux forgeron ; son soufflet, ses deux marteaux, une pince, comme enclume un bloc de fer informe, quelques pauvres petites faucilles (à 5 centimes pièce je suppose) dans les cendres de son feu. Le vieil homme a l’air de la statue de la douleur, trop accablé pour se plaindre, dire quoi que ce soit ; et voilà après le tremblement de terre et l’inondation, notre palabre qui tombe dans un pauvre atelier ! soit… encore ça ! Accablé, il tient le coup quand même et pendant que les gens se réunissent et qu’on attend, il tire son soufflet et frappe ses faucilles, sans perdre une minute ! Travailler ! travailler jusqu’à ce que dans un autre monde, une autre vie, les choses s’arrangent un peu.

Un paysan de cinquante à soixante ans, avec une forte moustache noire, l’air d’être français (étrange la multiplicité des types de physionomies dans ces foules hindoues), solide et brave ; une petite fille toute mignonne à côté de lui, se presse gentiment contre le bras de son rude papa, de son bon papa qui a l’air de bien l’aimer aussi, et on sent en lettres parfaitement claires toute la tragédie : angoisse et soucis permanents du père qui ne peut pas nourrir assez bien ses