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le moment à faire de la paie la petite cérémonie de souvenir international dont j’ai parlé souvent dans mes conférences et ailleurs. Nous n’en sommes pas encore là. Pour ces pauvres gens, une « paie » qui vient de notre service lointain, ne peut pas encore se distinguer clairement et nettement de celle qui vient des amis — non moins lointains pour eux — du Comité de secours du Bihar, soutenu par toute l’Inde. Ce pauvre homme au front soucieux, dévoré par le souci du riz quotidien, dont la maison a été fendue par le tremblement de terre, emportée par l’inondation, n’a pas vraiment le loisir d’entrer dans la distinction subtile de ce qui est en deçà de Bombay, et au delà de Bombay, et de toutes les finesses politiques qui s’y rattachent. Patience ! Notre action « politique » pour ne pas se faire sentir dans la hutte du paysan n’en sera pas moins très puissante si nous faisons convenablement notre simple besogne.

J’en étais à la paie, dans une des huttes du centre de Sonathi. Le jeune secrétaire Phani Bannerji est accroupi devant sa table basse portant le registre des travailleurs, de tous les nôtres, ceux de Sonathi, Lourgaon, Bassauli aussi. Il fait nuit, la scène est éclairée devant le falot de sûreté. Près de la petite table, un autre serviteur du centre est accroupi devant un sac de riz, le pauvre riz bien grossier qui donne le plus de nourriture pour le moindre prix. Les paysans se pressent autour de la hutte, quelques-uns à l’intérieur, leurs figures tragiques, mais sans amertume, éclairées par le falot. Bannerji appelle un nom, écrit dans le registre : Bubhnishwari ; le paysan s’accroupit lui aussi en face de l’homme au sac de riz et tend un pan de la pauvre pièce de toile usée et salie dans laquelle il est habillé. L’homme au sac, c’est le caissier, d’une voix psalmodiante, compte quatre gobelets de riz : Eh, Dou, Tin, Châr… qu’il verse dans le pan de toile du