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du respect de toute vie. C’est ridicule, évidemment, mais certes, ce qui ne l’est pas, c’est la souffrance universelle…

À côté des moustiques — et c’est bien la vie —, nous voyons de dessous nos moustiquaires flotter mollement, s’allumer, s’éteindre, se renverser, la merveilleuse luciole égarée dans la chambre. Cette lumière qui palpite. Joe qui n’a aucune prétention à la poésie ou à la remarque shakespearienne dit avec un air « matter of fact » qui me saisit : « C’est comme si chaque battement de cœur faisait de la lumière ». Et quand on y regarde de plus près, la réalité est presque plus saisissante encore : c’est dans l’essor du vol et chaque fois que les ailes se soulèvent que la lumière apparaît.

Nous avons eu matin et soir une bonne et longue conversation avec Rajendra sur tout au monde. On nous répète ici qu’au Bihar, Rajendra est aimé et respecté plus encore que Mahatma lui-même. C’est un homme d’un charme étonnant. Une magnifique physionomie hindoue ; il est exactement aussi beau dans le sens ordinaire et régulier du mot que Mahatma est laid. Intelligent sans l’ombre de pédanterie, facile à suivre et clair dans tout ce qu’il dit, n’ayant jamais l’air de se souvenir qu’il est un personnage important, mais arrivant par je ne sais quel charme à le faire oublier à tous ceux qui l’entourent. Ami fidèle et parfait de Gandhiji, bien entendu. D’un bout de l’Inde à l’autre, et dans tous les partis, on s’accordait pour admirer son discours présidentiel au Congrès. Sur ma demande, il nous en a donné, ce matin enfin, le texte imprimé. C’est un discours admirable, parfaitement rédigé, sobre, net, cinglant sans aucune exagération en ce qui concerne la situation créée par l’administration anglaise, constamment soutenu par le souffle spirituel, le feu le plus naturel, et animé dans toutes ses critiques de la loyauté et de la bienveillance les plus évidentes. Certaine-