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vendeurs annoncent leurs marchandises sur des notes variées. En voilà un qui crie : Gueerem Tchâ — Tchâ Gueerem, d’une voix absolument sépulcrale — comme si le : « Chaud thé — thé chaud » qu’il annonce était la liqueur la plus noire, la plus détestable, la plus funèbre qu’on puisse avoir à redouter.

Nous avons été si bien fournis par nos amis que, sans même faire encore usage de la précieuse caisse-cuisine emportée de Suisse, nous vivons entièrement sur nos provisions. Une tasse de thé suffit à les compléter. Nos compagnons de voyage sont gentils mais la conversation n’est pas très active et pour cause : le seul qui sache l’anglais profite de son voyage pour dormir positivement trente heures de suite.

Nous ne sommes plus très loin. Il s’agit de ne pas trop bien dormir et de ne pas manquer la station. Un magnifique lever de soleil sur des champs qui paraissent trempés d’eau, des villages particulièrement misérables, quelques paysans errant çà et là, une famille groupée autour d’un pauvre feu. Voici Dianpore ; plus que dix minutes ; nous plions bagages… et quelques instants plus tard, à 6 h. 45, nous voilà à Patna. Débarquement de tout notre matériel sur un quai où nous ne voyons d’abord aucun ami. Puis tout à coup apparition de nos amis du comité de secours ; Rajendra Prasad lui-même bien que très pris par l’asthme qui le gêne depuis plusieurs jours et accablé de travail par les séances du Congrès à Bombay, a tenu à venir lui-même nous attendre à la gare. Nous sommes chaleureusement reçus, et ramenés en auto au « Centre ». Plus encore que chez les amis Desai, je m’y sens chez moi. Je réoccupe mon ancienne chambre, avec Joe cette fois, à côté de celle où est descendu Gandhi en mai dernier et où demeure maintenant Rajendra Prasad.