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voyageur ingénieux, sortent tous ensemble du wagon — et dans l’espace considérable qui devient libre ainsi, un des voyageurs hindous s’empresse encore, de déplacer son bagage, de manière que Joe et moi nous trouvons, chacun, en possession de plus d’espace qu’il ne nous en faut pour nous étendre absolument, à cent pour cent, sans contraction et recroquevillement d’aucune sorte sur nos matelas de voyage. De nouveau — et quoi que nous fassions — nous voilà embarqués de la manière la plus luxueuse… Jamais, il faut le dire tout de suite, je n’ai voyagé plus confortablement ni dormi mieux que pendant cette nuit du 5 au 6 novembre, et dans la nuit suivante, de 9 à 11 heures du soir, jusqu’à notre arrivée à Mughal-Sarai (10 kilomètres de Bénarès). Là, il fallait quitter le rapide de Calcutta et, après trois heures de salle d’attente, continuer de 3 h. 10 du matin à 6 h. 43, sur Patna.

Température délicieuse dans le wagon, — ni trop chaud ni trop froid — les souvenirs torrides de juin rendaient cette nouvelle expérience encore plus délicieuse.

Et le paysage normalement garni de verdure — au lieu de la terrible étendue grillée — semblait l’image du Paradis, bien que les villages continuassent, même en bonne saison, à paraître d’une pauvreté, d’une simplicité hypoparadisiaques… Nous passons par des endroits aux noms magnifiques : Itarsi, Sohagpur, Gadarvada, Jeebbulpore, Manikpur, Chheoki (à 35 milles de Allahabad), Mirzapur, Moghal Sarai… Il semble que notre troisième classe roule, tout enturbannée, le long d’un des vers ronflants de la « Légende des siècles ». Ces noms merveilleux couvrent à n’en pas douter des splendeurs extraordinaires mais il faut bien avouer que nous n’en voyons pas grand chose… Il faut laisser courir son imagination. À chacune de ces stations les crieurs et