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cieux pour tout contact à prendre avec les Indiens. D’autre part, il n’y a dans son attitude rien d’amer ni d’agressif contre son gouvernement, nul désir de souligner les fautes des Anglais pour le plaisir de les souligner. Il ne vante jamais les qualités anglo-saxonnes mais les représente effectivement par sa simple manière d’être ou d’agir et semble d’ailleurs absolument inconscient de posséder ces qualités.

… L’heure du départ de Bombay approche. À la gare où l’automobile nous amène, nous trouvons encore le bon Ranchhoddas, le jeune étudiant-ingénieur hindou qui m’a si gentiment aidé lors de ma première expédition ici et qui est décidé à venir le plus tôt possible travailler avec nous. Il a fait sept heures de chemin de fer pour venir nous saluer et nous aider au passage. Je suis heureux de le trouver aussi profondément intéressé et plus résolu que jamais.

À la gare, mouvement d’hésitation du secrétaire de Bulabhai Desai lorsque, descendant de la Rolls-Royce, nous confirmons notre décision de nous embarquer en troisième classe. L’heure de la revanche pour l’humiliation subie en « seconda non economica » a sonné[1] Pour le prix de 18 fr. 70 (les prix ont leur éloquence) nous achetons, chacun, Joe et moi, le droit de parcourir 1650 kilomètres en 30 heures de voyage effectif dans le train le plus rapide des Indes — Calcutta mail, qui marche à 55 kilomètres à l’heure, vitesse commerciale, arrêts compris. Le départ est tout simplement glorieux… ! Quatre amis sont là pour nous souhaiter bon voyage. Le compartiment — très propre et agréable — dans lequel nous entrons, est à vrai dire bondé… mais deux minutes avant le départ, huit des occupants amenés par un

  1. À son corps défendant, Pierre Ceresole a dû faire le voyage Venise-Bombay en IIe classe, le vaisseau n’ayant pas de IIIe, cette classe que par un élégant euphémisme on appelle « Seconde économique ».