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malgré la proposition de nous envoyer une auto. Enfin, le jeune Hindou affirme que la visite pourra se faire en trois heures, tout compris, et puisque l’inconnu déclare que nous pouvons lui être utile, il n’y a pas à hésiter, nous irons.

Ainsi, mardi 14 mai, à 15 heures, nous roulions vers une destination inconnue sur un grand chemin bordé, sur les soixante-cinq kilomètres, à notre gauche, d’une rangée d’arbres vigoureux, et à notre droite d’un grand canal d’irrigation et de navigation légère qui relie Patna aux rives du « Sone », un des affluents sud du Gange. Il faut que le chauffeur, à la vitesse où nous marchons dans ce chemin relativement étroit, ait l’œil bien ouvert ; à la moindre distraction, on a le choix : d’un côté, un tronc prêt à vous fracasser ; de l’autre, le grand vide du canal tout disposé à vous recevoir. La campagne est belle et fait un effet beaucoup plus riche que les régions du Bihar d’où nous venons. Tous les quinze kilomètres, on passe près d’une écluse avec croisement pour les embarcations. Il y a maintenant fort peu d’eau dans le canal et de temps à autre on rencontre une barque échouée, comme un gros « dityque », coléoptère des marais, qui n’a plus d’eau et attend la prochaine crue. Curieuse affaire que celle du monsieur qui se laisse prendre par la sécheresse, avec son bateau, au beau milieu d’un champ, avec la consolation : « on repartira dans quelques semaines ». L’existence de ce canal, œuvre précise et considérable de génie civil, donne à ce paysage un caractère absolument différent de celui que nous avons connu ces derniers mois. Cela ne paraît pas « Inde », mais plutôt « Europe » et pour nous remettre bien dans la note, ce n’est pas trop — à côté de buffalos moins maigres que nous voyons barboter çà et là dans ce qui reste d’eau — de voir sortir tout à coup de la futaie, de l’autre côté du canal, une bande de trois ou