Page:Cérésole - En vue de l’Himalaya.djvu/143

Cette page a été validée par deux contributeurs.

des pluies. Et toute cette expédition — y compris les merveilleux voyages qui nous ont, nous Européens, considérablement enrichis — n’a guère coûté plus de 8 000 francs suisses au groupe international qui l’a organisée. Si c’était Gumani seul que nous avions mis au sec avec sa famille, cet argent aurait déjà été magnifiquement employé, comparé à une dépense équivalente pour quelques obus de gros calibre.

Les gens n’ont pas encore cette vision des simples merveilles à faire, très simplement, avec une part infime de ce qu’on donne aujourd’hui au faux dieu, au Moloch du patriotisme militaire, tremblant, froussard, apeuré… à moins qu’il ne soit encore pire : joyeux et féroce.

Après tous ces calculs « réalistes » — realpolitik — échafaudés pour sauver les puissants intérêts des empires et qui aboutissent infailliblement à des écroulements énormes et sanglants, c’est très plaisant, satisfaisant, de penser à notre groupe de trois ou quatre Européens, partis un peu au petit bonheur pour aller, tant bien que mal — et on ne sait d’avance trop comment — mettre au sec Gumani et famille ou, sinon pour ça, pour quelque autre opération analogue. C’est exactement l’action symétrique de la guerre où on ne sait qu’une chose, c’est que quelqu’un, quelque part, dans des circonstances imprévisibles exactement s’en va tuer quelqu’un d’autre… on ne sait rien de plus, on ne peut rien savoir de plus, car ces deux adversaires s’imaginent que c’est pour le bénéfice de la patrie, et il est certain que l’une des deux patries en sortira abîmée.

De là, de Bochaha, dans un tourbillon épais de poussière et sur cette route aux cahots fabuleux, à travers ces pauvres villages et hameaux pittoresques tant de fois traversés, retour à Muzzafarpur, puis à Patna où nous arrivons vers