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En y pensant, je me sens pris de sympathie pour le ciment armé et même pour la tôle ondulée.

Nous avons à tirer de cela des leçons graves et difficiles : ayant une légère fièvre diminuante la semaine dernière, j’en ai profité pour relire Luc d’un bout à l’autre, y compris les Actes des apôtres. Jamais je n’ai été plus frappé que dans cette lecture continue du rôle saisissant, infiniment simple et naturel que joue dans cette histoire le surnaturel, l’appui en apparence essentiel que les faits miraculeux ont apporté, à chaque pas, pour faire accepter des vérités morales de première importance, vérités sans valeur pourtant si elles ne sont pas acceptées en conscience pour elles-mêmes, pour leur conformité avec notre nature profonde. Tout l’Évangile paraît reposer sur le surnaturel, et il semble qu’il n’aurait jamais pu « percer » sans cette manière naïve peut-être, certainement sincère, de voir, d’interpréter, de raconter les choses. Cependant nous réalisons (je le vois — ou croit le voir en tous cas en ce qui me concerne) l’immense désastre qu’a causé cet appui caduc et trop commode sur un élément sinon absolument faux (dans la mesure où on peut préciser ce terme) en tous cas étranger : le christianisme est dans les nuages et la réalité est presque entièrement possédée par les faux dieux. La théologie la plus à la mode non seulement ne s’alarme pas de ce résultat, mais elle le sanctifie et le « régularise ». Elle déclare que le principe de la religion appartient à un ordre absolument différent de celui de la réalité qui nous entoure, à un ordre transcendant. C’était déjà ce que pratiquait Bismark : on vit sans scrupule comme diplomate dans le monde naturel, et on est bon chrétien dans un ordre transcendant, surnaturel. Seuls des hurluberlus égarés peuvent confondre ces deux mondes entièrement différents : « totaliter aliter »…