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L’autre jour, quand on voyait moins bien ces cimes, c’était tragique et passionnant de suivre ce profil qui tantôt se précisait, tantôt s’effaçait en nuages, comme l’idéal qui, dans les moments difficiles, paraît se dissoudre dans l’illusion. Et c’est très curieux que, juste à côté de ces vrais pics solides, fermes, réels, et contrefaisant curieusement leurs formes, il y ait des nuages flous qu’on peut facilement confondre avec eux. Ils les imitent, ils les voilent, ils les contrefont et les trahissent et jettent la confusion parmi ceux qui les contemplent d’en bas. C’est — par exemple — à côté du Christ, toutes ces formes molles, floues, mensongères, d’un si grand nombre d’institutions religieuses, formées autour d’une montagne réelle, reproduisant ses contours, sans la substance. Émouvant de voir cette ligne se préciser ou s’effacer suivant que la brume des préjugés d’origine séculaire, d’origine lointaine, se dissipe un peu ou s’épaissit. Un moment le profil entrevu a vraiment disparu, on ne le voit plus qu’en imagination, par la foi.

Bref… nous tenons une réalité immense très au-dessus du faux-dieu national, une réalité qui nous donne la vie solide, inextinguible, même si notre nation devait périr ; même si nous devions être dévorés par Hitler ou Mussolini, qui n’auraient guère envie de manger ce morceau-là, s’ils savent ce qu’ils font, car leur système en périrait. Cette réalité solide, incontestable, elle plane encore très loin de nous, très au-dessus de nous. Il faut l’atteindre. Et c’est pourquoi j’en reviens à nos projets. À supposer que je n’arrive à être moi-même que le contemplateur distant qui a vu et répété qu’il a vu, il nous faudra quand-même de bons arpenteurs, pour faire des plans exacts, de bons architectes pour arranger les choses intelligemment. Pensons tous à la campagne 1935-1936 et envoyons des forces meilleures pour la réalisation.