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— « Vous avez raison, » dit-il avec la belle franchise d’un grand artiste qui sait apprécier la sincérité des paroles qu’on lui adresse. « Voici ce que je me suis proposé : avant tout j’ai voulu être vrai et exact. Un paysage, pour moi, n’existe point en tant que paysage, puisque l’aspect en change à chaque moment ; mais il vit par ses alentours, par l’air et la lumière, qui varient continuellement. Avez-vous remarqué ces deux portraits de femmes au-dessus de mes meules ?

« C’est la même jeune femme, mais peinte au milieu d’une atmosphère différente ; j’aurais pu faire quinze portraits d’elle, tout comme de la meule. Pour moi, ce ne sont que les alentours qui donnent la véritable valeur aux sujets.

« Quand on veut être très exact on éprouve de grandes déceptions en travaillant. Il faut savoir saisir le moment du paysage à l’instant juste, car ce moment-là ne reviendra jamais et on se demande toujours si l’impression qu’on a reçue a été la vraie.

« Et le résultat ? Voyez ce tableau-là, au milieu des autres, qui dès le premier abord a attiré votre attention, celui-là seul est parfaitement réussi, — peut-être parce que le paysage alors donnait tout ce qu’il était capable de donner. Et les autres ? — il y en a quelques-uns vraiment qui ne sont pas mal ; mais ils n’acquièrent toute leur valeur que par la comparaison et la succession de la série entière. »