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UN HOLLANDAIS À PARIS EN 1891

TRISTESSE


Cette nuit, après avoir pris congé de Verlaine, j’ai eu des idées noires. Je me suis promené sur les quais de la Seine ; le ciel était sombre, la rafale me cinglait le visage ; de temps en temps on ne voyait rien devant soi, mais c’était là le moindre de mes soucis. J’étais poursuivi par le titre que Henri Heine a donné à un de ses livres : les Dieux en exil, un nom étrange, hautement significatif.

Nous savons tous que les dieux, lors de la ruine du paganisme, se réfugièrent sous terre pour y habiter avec les gnomes et les démons. On dit aussi que dans cette société ils prirent quelques traits de caractère à leurs nouveaux camarades.

Figurez-vous qu’Apollon, le dieu de la lumière et de la poésie, — car lui aussi a dû subir cette humiliation, — revoit par une grâce spéciale, après des siècles d’absence, la splendeur du ciel olympien. Est-ce que le dieu, boiteux depuis sa chute, montera, comme avant, sur le char du soleil ? Est-ce qu’il prendra les rênes avec la fierté vigoureuse des jeunes années ? Fera-t-il chanter les cordes de sa lyre comme jadis, ou hésitera-t-il à éveiller des sons qu’il a désappris peut-être ?