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du ciel. Mes autels sont l’Océan et les montagnes, l’air, la terre, les astres, — en un mot, tous les ouvrages du grand tout, qui produisit l’ame et doit un jour la recueillir.

105. Douce heure du crépuscule ! — Ah ! combien je t’aimais dans l’ombrageuse solitude de pins[1], et sur le silencieux rivage qui borne la forêt de Ravenne ; là des racines immémoriales croissent où venaient auparavant se briser les flots de l’Adriatique. Bois toujours verts, où s’élevait la dernière forteresse des Césars, et que les récits de Boccace et les chants de Dryden contribuaient encore à me rendre plus chers !

106. Les perçantes cigales, citoyennes des pins, qui font de leur existence d’un été une chanson continuelle, étaient, avec mes pas, ceux de mon coursier et la cloche du soir, les seuls échos qui pénétrassent dans les branches ; mes yeux alors se reportaient en esprit au spectre chasseur de la race d’Onesti, à sa meute infernale, à leur chasse, et à toutes les belles qui, par cet exemple, apprirent à ne pas rebuter un amant fidèle<ref>Voyez la cinquième journée, nouvelle VIII, du Décaméron. Nastagio degli Onesti, amant de l’une des filles de Paolo Traversaro, avait dépensé toutes ses richesses sans parvenir à se faire aimer. Dans sa douleur il s’éloigna de Ravenne, avec la résolution de se tuer. À trois milles de la ville, il renvoie ses gens, et, tout en rêvant, il entre dans la forêt de pins. Bientôt un grand bruit vient rompre sa rêverie ; une belle femme, nue et ensanglantée, est poursuivie par un chevalier noir qui l’atteint,

  1. Ce bois de pins s’appelle, à Ravenne, la Pigneta. (Voyez Boccace.)