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128. Il avait une fille unique appelée Haidée, la plus riche héritière des îles orientales, et, de plus, d’une si rare beauté que son douaire n’était rien auprès de son sourire. Elle ne touchait pas encore à sa vingtième année, et elle était élevée comme une charmante plante, dans la maison de son père : de tems en tems elle éconduisait des amans, précisément pour rester libre d’en accepter plus tard un plus aimable.

129. Ce jour-là, elle se promenait au soleil couchant sur le rivage et au bas des rochers, lorsqu’elle aperçut, — non pas mort, mais bien près de l’être, — l’insensible Don Juan, affamé et à demi noyé. Comme il était nu, vous sentez qu’elle dut être choquée ; mais enfin elle se crut obligée par humanité, et autant qu’il dépendait d’elle, de secourir un étranger qui expirait dans une si blanche peau.

130. Mais le conduire dans la maison de son père, ce n’était pas exactement le meilleur moyen de le sauver : c’était plutôt mettre la souris dans les griffes du chat, ou jeter dans la tombe des hommes tremblans de peur ; car le vieux bonhomme avait tant de νους[1] et si peu de ressemblance avec les braves voleurs arabes, qu’il eût d’abord secourablement réconforté l’étranger, mais aussitôt sa guérison il l’eût exposé en vente.

131. Elle aima donc mieux, aidée des conseils de

  1. Νους, νους, prudence, sagesse, jugement.