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83. Au reste, si le sort de Pédrillo vous semble révoltant, souvenez-vous d’Ugolin qui se décide à manger le crâne de son grand ennemi, après avoir poliment terminé son récit[1]. Si dans l’enfer on dévore ses ennemis, on peut certainement, sans être beaucoup plus horrible que Dante, se nourrir en pleine mer de ses amis, quand le léger agrément d’un naufrage se fait trop attendre.

84. Dans la même nuit, il tomba une ondée de pluie que leurs bouches attendaient comme la surface de la terre, quand la poussière de l’été en a desséché les crevasses. On ne sait pas ce que vaut une bonne eau, quand on n’en a pas senti la privation ; il faut avoir été en Espagne ou en Turquie, s’être trouvé dans une chaloupe remplie d’affamés, ou bien avoir dans le désert entendu la sonnette des chameaux pour désirer sincèrement de rejoindre la vérité — dans un puits.

85. La pluie tombait par torrens, mais ils n’en

  1. Quand’ebbe detto cio, con gli occhi torti Riprese’l teschio misero co’denti Che furo all’osso come d’un can forti. (Dante, Inferno, canto XXXIII.) Lord Byron était trop pénétré de la lecture de Dante, son modèle, pour n’avoir pas mis quelque intention dans le mot qu’il emploie ici : politely (poliment). C’est qu’en effet Ugolin laisse entendre, plutôt qu’il n’exprime à la fin de son récit, le repas qu’il a fait de ses enfans. Poscia piu che’l dolor pote’l digiuno.