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penser, tant ses sentimens furent secrets dans cette occasion.

69. Elle vit Don Juan, et, comme un bel enfant, souvent elle le caressait ; c’était une chose bien naturelle et nullement inquiétante, quand elle avait vingt ans et lui treize ; mais je ne sais pas si j’en aurais également souri quand elle eut vingt-trois ans et lui seize. Ce léger surcroît d’années opère de singuliers changemens, surtout chez les peuples brûlés du soleil.

70. Quelle qu’en fût la cause, il est sûr qu’ils étaient changés. La jeune dame restait à quelque distance, et le jeune homme était devenu timide. Leurs regards étaient baissés, leurs salutations presque muettes, leurs yeux singulièrement embarrassés. Sans doute bien des gens croiront que Julia devinait bien ce que signifiait tout cela ; pour Juan, il n’en avait pas plus l’idée que de l’Océan ceux qui ne l’ont jamais vu.

71. Cependant, il y avait quelque chose de tendre dans la froideur de Julia ; quand sa jolie main tremblante s’éloignait de celle de Juan, elle y laissait un demi-serrement vif, caressant et léger, si léger, que l’esprit hésitait encore à le croire ; mais il n’est pas de magicien qui ait opéré, avec la baguette et tout le savoir d’Armide, un changement comparable à celui que ce léger toucher produisait sur le cœur de Juan.

72. Le rencontrait-elle ? elle ne lui souriait plus,