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ŒUVRES DE LORD BYRON.

nul d’entre eux ne m’a vaincu, beaucoup sont tombés devant moi, — mais cela ne m’a servi de rien : bien ou mal, vie, facultés, passions, tout ce que je vois dans les autres êtres, a été pour moi comme la pluie sur le sable depuis cette heure à laquelle je ne puis donner un nom. Je ne redoute rien, et j’éprouve la malédiction de n’avoir aucune crainte naturelle, de ne sentir battre dans mon cœur ni désir, ni espoir, ni un reste d’amour pour quoi que ce soit sur la terre. — Maintenant, à ma besogne ! —

Puissances mystérieuses ! esprits de l’univers illimité ! vous que j’ai cherchés dans les ténebres et la lumiere, — vous qui environnez la terre, et habitez une essence plus subtile, vous dont la demeure est au sommet des monts inaccessibles, à qui les cavernes de la terre et de l’Océan sont des objets familiers, — je vous évoque par le charme écrit qui me donne autorité sur vous — levez-vous ! paraissez ! (Une pause.)

Ils ne viennent pas encore. — Maintenant, par la voix de celui qui est le premier parmi vous, — par ce signe qui nous fait trembler, — au nom des droits de celui qui ne peut mourir, — levez-vous ! paraissez ! — paraissez ! (Une pause.)

S’il en est ainsi, — esprits de la terre et de l’air, vous ne m’éluderez point de cette manière : par une puissance plus grande que toutes celles que j’ai déjà nommées, par un charme irrésistible qui a pris naissance dans une étoile condamnée, débris brûlant d’un monde démoli, enfer errant dans l’éternel espace ; par la terrible malédiction qui pèse sur mon âme, par la pensée qui est en moi et autour de moi, je vous somme de m’obéir : paraissez !

On voit paraître une étoile à l’extrémité la plus sombre de la galerie ; elle reste immobile, et l’on entend chanter une voix.

Premier génie. Mortel ! J’ai quitté à ta voix mon palais élevé dans les nuages, que le crépuscule a bâti de son souffle, et que le soleil couchant d’un jour d’été colore d’une teinte de pourpre et d’azur broyée tout exprès pour mon pavillon. Quoique j’eusse pu refuser de me rendre a tes ordres, je suis accouru, porté sur le rayon d’une étoile ; j’ai obéi à tes conjurations ; mortel, — fais connaître tes volontés !