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38 ŒUVRES DE LORD BYRON.

² Au-dessus de ce beau drame plane un sentiment moral, comme un sombre nuage qui recèle la tempête. Il fallait un crime comme celui que l’on nous montre dans le lointain pour fournir un aussi terrible et aussi éclatant exemple des hideuses aberrations de la nature humaine, quoique noble et majestueuse dans son principe, lorsqu’elle s’abandonne sans frein à ses désirs, à ses passions, à son imagination : la beauté, d’abord si innocemment adorée, est à la fin souillée, profanée et violée. Le crime, le remords, s’enchaînant l’un à l’autre, se succèdent dans une progression terrible. Nous nous figurons Astarté belle, jeune, innocente, coupable, assassinée, ensevelie, jugée et pardonnée ; cependant, dans la visite qu’il lui est permis de rendre à la terre, sa voix est pleine de douleur, et sa contenance respire un trouble mortel. Nous ne faisons que l’entrevoir lorsqu’elle est encore belle et innocente ; mais à la fin elle se dresse devant nous, silencieux fantôme, avec le regard fixe, éteint et sans passions,qui révèle la mort, le jugement dernier et l’éternité. Une haute moralité respire et circule dans chaque parole, dans cette démence, cette désolation. Dans cette agonie, ces déchirements et ces sombres évocations,nous apercevons, quoique confus et obscurcis, les éléments d’une existence plus pure. Wilson.

3 Parmi les grands poètes des temps modernes, trois seulement ont osé peindre dans toute leur étendue et toute leur énergie ces agonies auxquelles sont exposées, par le continuel retour d’un profond et amer scepticisme,de grandes et méditatives intelligences ; mais un seul a osé se représenter lui-même comme la victime de ces souffrances sans nom et indéfinissables. Goethe a choisi pour ses doutes et sa mélancolie le terrible déguisement de son mystérieux Faust ; Schiller, plus hardi, a planté les mêmes angoisses dans le cœur superbe et héroïque de Wallenstein ; mais Byron n’a pas cherché de symbole extérieur pour lui prêter les inquiétudes de son âme : il prend le monde et tout ce qui le compose pour théâtre, pour spectateur, et il se découvre devant tous les retards, luttant sans cesse et inutilement contre le démon qui le tourmente. Par moment, il y a quelque chose de triste et d’accablant dans son scepticisme ; mais le plus souvent il revêt un caractère élevé et solennel qui le rapproche de la foi. Quelles que soient les croyances du poète, nous, ses lecteurs, nous nous sentons trop ennoblis et trop élevés par le spectacle de cette mélancolie, pour ne pas être confirmés dans notre croyance par ces doutes mêmes exprimés avec tant de majesté. Son scepticisme a son contre-poids dans sa grandeur ; il n’y a ni philosophie ni religion dans les amères et sauvages attaques qui ont été dirigées par divers organes contre ces doutes de l’intelligence, doutes involontaires et qui ne passeront pas. Les ténèbres et les spectres qui remplissent son imagination peuvent bien troubler un moment la nôtre ; mais au milieu des ténèbres, il y a de fréquentes lumières, et la sublime tristesse que lui inspire le spectacle des mystères de l’existence humaine, est toujours accompagnée d’un appel à l’immortalité de l’âme exprimé dans un langage divin. Wilson.