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comme tu fus tentée par le serpent dans l’innocente imprudence et le confiant abandon du bonheur. Je ne puis répondre à l’immortel objet qui est là, devant moi ; je ne puis le haïr ; je le regarde avec un plaisir mêlé d’effroi, et je ne le fuis pas : il y a dans son regard une attraction puissante qui fixe mes yeux sur les siens ; mon cœur palpite avec force ; il m’effraie et me séduit tout ensemble, et je me sens attirée de plus en plus vers lui. — Caïn ! Caïn ! sauve-moi de lui !

CAÏN. Que craint mon Adah ?... Ce n’est point un mauvais esprit.

ADAH. Ce n’est point Dieu ni un des anges de Dieu ; j’ai vu les chérubins et les séraphins : il ne leur ressemble pas.

CAÏN. Mais il y a des esprits plus élevés encore : — les archanges.

LUCIFER. Et de plus élevés que les archanges.

ADAH. Oui, mais ils ne sont pas du nombre des esprits bienheureux.

LUCIFER. Si le bonheur consiste dans l’esclavage, — non.

ADAH. J’ai entendu dire que les séraphins sont ceux qui aiment le plus, — les chérubins ceux qui savent le plus. — Celui-ci doit être un chérubin, — puisqu’il n’aime pas.

LUCIFER. Et si la science supérieure absorbe l'amour, que doit-il être celui qu’on ne peut plus aimer dès qu’on le connaît ? S’il est vrai que les chérubins, qui savent tout, aiment le moins, l’amour des séraphins ne peut être que de l’ignorance. Le châtiment qui a puni l’audace de tes parents, prouve que ces deux choses ne sont pas compatibles. Choisis entre l’amour et la science, — puisqu’il n’y a pas d’autre choix. Ton père a déjà choisi : son adoration n’est que de la crainte.

ADAH. O Caïn ! choisis l’amour !

CAÏN. Pour toi, mon Adah !... Je ne l’ai pas choisi : — il est né avec moi ; mais, hormis toi, je n’aime rien.

ADAH. Nos parents ?

CAÏN. Nous ont-ils aimés quand ils ont cueilli sur l’arbre ce qui nous a tous expulsés du paradis ?

ADAH. Nous n’étions point nés alors, — et quand nous