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dire ? Ta science profonde n'a-t-elle pas dû te l’apprendre !

LUCIFER. Celui qui ne se courbe pas devant lui s’est courbé devant moi.

CAÏN. Mais je ne veux fléchir ni devant lui ni devant toi.

LUCIFER. Tu n’en es pas moins mon adorateur : dès que tu ne l’adores pas, tu es à moi.

CAÏN. Qu’est-ce donc qu’être à toi ?

LUCIFER. Tu le sauras dès cette vie, — et après.

CAÏN. Fais-moi seulement connaître le mystère de mon être.

LUCIFER. Suis-moi où je te conduirai.

CAÏN. Mais il faut que je me retire pour aller cultiver la terre ; — car j’ai promis...

LUCIFER. Quoi ?

CAÏN. De cueillir les prémices de quelques fruits.

LUCIFER. Pourquoi ?

CAÏN. Pour les offrir avec Abel, sur un autel.

LUCIFER. Ne disais-tu pas tout à l’heure que tu n’avais jamais courbé ton front devant celui qui t'a créé ?

CAÏN. Oui ; — mais j’ai cédé aux sollicitations pressantes d’Abel ; l’offrande est plus sienne que mienne, — et Adah...

LUCIFER. Pourquoi hésites-tu ?

CAÏN. Elle est ma sœur ; nous sommes nés le même jour, du même flanc ; ses larmes m’ont arraché cette promesse ; et, plutôt que de la voir pleurer, je puis tout endurer, — tout adorer.

LUCIFER. Suis-moi donc !

CAÏN. J’y consens.

Arrive ADAH.

ADAH. Mon frère, je viens te chercher ; c’est maintenant notre heure de repos et de joie, — et nous en goûtons moins en ton absence. Tu n’as pas travaillé ce matin, mais j’ai fait ta tâche : les fruits sont mûrs et brillants comme la lumière qui les mûrit. Viens.

CAÏN. Ne vois-tu pas ?

ADAH. Je vois un ange ; nous en avons vu plus d’un. Veut-il partager l’heure de notre repos ? Il est le bienvenu.