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CAÏN. Mais le connaîtrai-je ?

LUCIFER. Comme je ne connais pas la mort, je ne puis te répondre.

CAÏN. Si je devenais une terre insensible, il n’y aurait pas grand mal à cela. Plût à Dieu que je n’eusse jamais été que poussière !

LUCIFER. C’est là un lâche souhait qui te place au-dessous de ton père, car il désira savoir.

CAÏN. Mais il ne désira pas vivre ; autrement, que ne cueillait-il le fruit de l’arbre de vie !

LUCIFER. Il en fut empêché.

CAÏN. Erreur fatale ! de n’avoir pas arraché d’abord ce fruit : mais avant qu’il cueillît la science, il ignorait la mort. Hélas ! c’est à peine maintenant si je sais ce que c’est, et pourtant je la crains. — Je crains... je ne sais quoi !

LUCIFER. Et moi qui sais tout, je ne crains rien. Tu vois ce qu’est la véritable science.

CAÏN. Veux-tu m’enseigner tout ?

LUCIFER. Oui, à une condition.

CAÏN. Quelle est-elle ?

LUCIFER. C’est que tu te prosterneras et m’adoreras, — comme ton seigneur.

CAÏN. Tu n’es pas le seigneur que mon père adore ?

LUCIFER. Non.

CAÏN. Es-tu son égal ?

LUCIFER. Non ; — je n’ai rien et ne veux rien avoir de commun avec lui ! quelle que soit ma place, au-dessus ou au-dessous de lui, il n’est rien que je ne préfère à la nécessité de partager ou de servir sa puissance. J’existe à part ; mais je suis grand : — il en est beaucoup qui m’adorent ; il y en aura plus encore. — Sois l’un des premiers.

CAÏN. Je n’ai pas encore fléchi le genou devant le Dieu de mon père, quoique mon frère Abel me conjure souvent de me joindre à lui dans ses sacrifices : — pourquoi donc m’humilierais-je devant toi ?

LUCIFER. N’as-tu jamais courbé le front devant lui ?

CAÏN. ne te l’ai-je pas dit ? — Ai-je besoin de te le