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surmonter ; c est ainsi que je vis. Plût au ciel que je n’eusse jamais vécu !

LUCIFER. Tu vis, et dois vivre pour toujours : ne crois pas que l’argile qui forme ton enveloppe extérieure soit l’existence ; — elle cessera d’être, et alors tu ne seras pas moins que tu n’es maintenant.

CAÏN. Pas moins ! Et pourquoi pas plus ?

LUCIFER. Peut-être seras-tu comme nous sommes.

CAÏN. Et vous ?

LUCIFER. Nous sommes éternels.

CAÏN. Êtes-vous heureux ?

LUCIFER. Nous sommes puissants.

CAÏN. Êtes-vous heureux ?

LUCIFER. Non. Et toi, l’es-tu ?

CAÏN. Comment le serais-je ? Regarde-moi !

LUCIFER. Pauvre argile ! et tu prétends être malheureux ! toi !

CAÏN. Je le suis. — Et toi, avec toute ta puissance, qu'es-tu ?

LUCIFER. Un esprit qui aspira à devenir celui qui t’a créé, et qui ne t’aurait pas fait ce que tu es.

CAÏN. Ah ! tu ressembles presqu’à un Dieu ; et...

LUCIFER. Je ne suis pas Dieu ; n’ayant pu le devenir, je ne voudrais pas être autre que je ne suis. Il a vaincu ; qu’il règne !

CAÏN. Qui ?

LUCIFER. Le Créateur de ton père et de la terre.

CAÏN. El du ciel, et de tout ce qu’ils contiennent ; c’est ce que j’ai entendu chanter à ses séraphins ; c’est ce que dit mon père.

LUCIFER. Ils disent — ce qu’ils sont obligés de chanter et de dire, sous peine d’être ce que je suis, — ce que tu es, — moi, parmi les esprits, toi, parmi les hommes.

CAÏN. Et quoi donc ?

LUCIFER. Des âmes qui ont le courage d’user de leur immortalité7, des âmes qui osent regarder le tyran tout-puissant face à face, et dans son éternité, et lui dire que le mal, son ouvrage, n’est pas un bien ! S’il nous a faits, comme il