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pris, — une ombre de force pour lutter contre vous, tout esprits que vous êtes ; vous ne m’arracherez d’ici que morceau par morceau.

L’espr. Mortel obstiné à vivre ! voilà donc le magicien qui osait s’élancer dans le monde invisible, et se faisait presque notre égal ! — Se peut-il que tu sois si épris de la vie, cette vie qui t’a rendu si misérable !

Manf. Démon imposteur, tu mens ! ma vie est arrivée à sa dernière heure ; — cela, je le sais, et je ne voudrais pas racheter de cette heure un seul moment ; je ne combats point contre la mort, mais contre toi et les anges qui l’entourent ; j’ai dit mon pouvoir passé, non à un pacte avec ta bande, mais à mes connaissances supérieures, — à mes austérités, à mon audace, — à mes longues veilles, — à ma force intellectuelle et à la science de nos pères, — alors que la terre voyait les hommes et les anges marcher de compagnie, et que nous ne vous cédions en rien ; je m’appuie sur ma force, — je vous défie, — vous dénie — et vous méprise ! —

L’espr. Mais tes crimes nombreux t’ont rendu…—

Manf. Que font mes crimes à des êtres tels que toi ? doivent-ils être punis par d’autres crimes et par de plus grands coupables ? — Retourne dans ton enfer ! Tu n’as aucun pouvoir sur moi, cela, je le sens ; tu ne me posséderas jamais, cela, je le sais : ce que j’ai fait est fait ; je porte en moi un supplice auquel le tien ne peut rien ajouter. L’âme immortelle récompense ou punit elle-même ses pensées vertueuses ou coupables ; elle est tout à la fois l’origine et la fin du mal qui est en elle ; — indépendante des temps et des lieux, son sens intime, une fois affranchi de ses liens mortels, n’emprunte aucune couleur aux choses fugitives du monde extérieur ; mais elle est absorbée dans la souffrance ou le bonheur que lui donne la conscience de ses mérites. Tu ne m’as pas tenté, et tu ne pouvais me tenter ; je ne fus point ta dupe, je ne serai point ta proie ; — je fus et je serai encore mon propre bourreau. Retirez-vous, démons impuissants ! la main de la mort est étendue sur moi, — mais non la votre ! (Les démons disparaissent.)