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ADAM. Nos prières sont terminées ; éloignons-nous d’ici. Que chacun se rende à son travail ; — il n’est pas pénible, bien que nécessaire : la terre est jeune : elle nous donne ses fruits avec bienveillance, et sans beaucoup de travail.

ÈVE. Caïn, mon fils, vois ton père content et résigné ; fais comme lui.  (Adam et Ève s’éloignent.)

ZILL. Ne le veux-tu pas, mon frère ?

ABEL. Pourquoi garder sur ton front cette tristesse qui ne peut servir qu’à attirer la colère de l’Éternel ?

ADAH. Caïn, mon bien-aimé, me regarderas-tu, moi aussi, d’un air sombre ?

CAÏN. Non, Adah, non. Je désirerais être seul un moment. — Abel, je ne me trouve pas bien, mais cela passera. Précède-moi, mon frère ; — je ne tarderai pas à te suivre. — Et vous aussi, mes sœurs, ne vous arrêtez pas ; votre douceur ne doit pas recevoir un accueil farouche ; je vous suis dans l’instant.

ADAH. Si tu tardes, je viendrai te chercher ici.

ABEL. La paix de Dieu soit avec ton esprit, mon frère !  (Abel, Zillah et Adah s’éloignent.)

CAÏN (seul). Et voilà donc la vie ! — le travail ! Et pourquoi dois-je travailler ? Parce que mon père n’a pas su conserver sa place dans Éden. Qu’avais-je fait, moi ? — Je n’étais pas né ; je ne demandais pas à naître, et je n’aime pas l’état dans lequel cette naissance m’a placé. Pourquoi a-t-il cédé au serpent et à la femme ? ou, après avoir cédé, pourquoi a-t-il été puni ? Qu’y avait-il en cela ? L’arbre était planté, et pourquoi pas pour lui ? sinon, pourquoi l’avoir placé près de cet arbre, à l’endroit où il croissait, le plus beau de tous les arbres ? Ils n’ont à toutes les questions qu’une réponse : « C’était sa volonté, et il est bon. » Qu’en sais-je ? Parce qu’il est tout-puissant, s’ensuit-il qu’il soit suprêmement bon ? Je ne juge que par les fruits, — et ils sont amers, — et il faut que je m’en nourrisse, pour une faute qui n’est pas la mienne. — Que vois-je ? un esprit qui a la forme des anges ; cependant l’aspect de son essence spirituelle a quelque chose de plus sévère et de plus triste.